Tenir tête de Julia Cordonnier
Destinée à une nouvelle case innovante de deuxième partie de soirée, la collection Histoires de vies de France 2 fait du petit écran un espace de liberté créative loin des codes habituels de la fiction télévisée. Tenir tête plante sa caméra dans le paysage en constante mutation d'Aubervilliers et retrouve une actrice à la hargne mordante, Sabrina Ouazani, révélée dans L'Esquive.
Que l'on ne s'y trompe pas, ce film n'est ni «un autre regard sur la banlieue» ni une œuvre à message politique visant à dénoncer une injustice comme c'est souvent le cas dans les œuvres dites sociales. Proche du documentaire dans sa manière de témoigner des bouleversements d'une ville ouvrière en pleine rénovation (Aubervilliers), qui change de paysage et de population et que certains exclus refusent de quitter, le film nous montre une réalité sous un jour bien plus convaincant que les clichés infondés ne sachant plus voir dans la banlieue qu'une zone de non-droit et d'inculture inquiétante.
Tenir tête est avant tout une histoire de liens, ceux tissés entre Samra et son frère Karim, autrefois unis, puis séparés face aux turpitudes de la vie (la perte du père, une entrée précaire dans la vie active... ). Afin de venir en aide à leur mère menacée d'expulsion et trop naïve et conciliante pour ne pas se laisser faire, le frère et la sœur vont apprendre à se redécouvrir et à se pardonner.
La réalisatrice, Julia Cordonnier, suit une trame linéaire et épurée qui fait honneur au film, épuré de tout bavardage inutile. Les dialogues s'accordent avec l'évolution de la relation entre les personnages, agressifs puis exprimant à demi-mots une affection réelle, un lien fraternel distendu mais toujours présent.
Une subtilité que l'on retrouve dans le jeu des personnages. Sabrina Ouazani convainc dans un rôle de femme à forte tête dont la hargne et les répliques cinglantes font mouche. Impulsive et constamment sur ses gardes, ses mésaventures font écho à celles de son frère, comme dans un jeu de miroirs que chacun se renvoie à l'autre.
Salim Kechiouche, acteur chez Gael Morel et François Ozon ( Les Amants criminels), parvient à nous faire ressentir avec finesse ce qu'il en est que d'évoluer dans un monde pétri dans ses préjugés de classe, quand on ne peut s'empêcher de ressentir le regard inquisiteur et soupçonneux de l'autre.
Un film plein de tendresse et d'énergie qui sait transformer la hargne défensive des personnages en une témérité héroïque et se clôt dans un éclat de rire salvateur.
Tenir tête, le dimanche 8 août France 2 dans le cadre de la collection Histoires de vies